FAUT-IL ENCORE INVESTIR DANS L’OR POUR PRÉSERVER SON ÉPARGNE ?

L’once d’or est au-dessus de 1.500 dollars pour la première fois depuis 2013… Mais est-ce vraiment judicieux d’en faire une valeur refuge ?

L’or brille-t-il toujours autant dans l’esprit des Français ? Le fait est que ce n’est pas parce que l’or fait encore et toujours figure de valeur refuge qu’il se révèle pour autant lucratif de miser dessus en 2019. C’est en tous cas ce que pointe Ylan Cattan, fondateur de la société de conseil en investissement financier Profits and Benefits.

 

Selon une étude de mai dernier, l’or serait aujourd’hui la 4e solution d’épargne privilégiée par les Français après la pierre, l’assurance-vie et le dépôt d’argent. Pourquoi un tel engouement ?

Ylan Cattan : Il s’agit avant tout d’une vieille habitude française qui permet de stocker en un seul et même actif un maximum de valeur. C’est une approche historique et il en a toujours été ainsi en France, notamment parce que nous ne disposons pas de pétrole (source quasi inépuisable de rendement). Tout comme les Français sont attachés à la pierre, ils le sont envers l’or. Pour rappel, il y a aujourd’hui deux manières de le travailler. Soit il est question d’acheter de l’or physique avec cotation, soit de l’or papier par le biais d’actions.

 

En outre, si les Français sont si attachés à l’or, c’est aussi parce qu’il y a un aspect psychologique. Ils sont connus pour être pessimistes. Ils sont aussi connus pour être le peuple qui épargne le plus au monde. Qui plus est, il faut bien appréhender le fait que les Français ne croient plus forcément ni au système bancaire, ni au système financier, ni même au système immobilier. C’est pourquoi l’or incarne à leurs yeux une autre forme de diversification. Le métal jaune reste une vieille habitude mais cette dernière arrive à maturité si bien que d’ici 20 ou 30 ans, il est fort probable que les Français soient beaucoup moins enclins à épargner au travers de l’or.

 

En quoi l’or peut-il encore constituer une bonne option pour préserver son épargne alors qu’il ne rapporte rien ?

Il faut bien prendre la mesure du fait que l’or rapporte uniquement à partir du moment où il est acheté en période d’euphorie lorsqu’il coûte moins cher et où on le revend bien plus cher en période de guerre par exemple. Forcément, il ne s’agit pas d’un bon raisonnement. Ce d’autant plus que la France a augmenté l’an passé sa fiscalité liée à l’or dans la mesure où elle souhaitait alimenter sa liquidité. Le fait est que les Français ont toujours bien tendance à laisser leurs pièces et lingots au coffre. L’or est donc complètement illiquide. Sauf que l’Etat français a besoin que l’argent tourne pour redynamiser l’économie. Son ambition tient donc au fait de rendre l’argent plus liquide. D’où le fait que l’exécutif ait pris le parti l’an passé de rehausser la fiscalité de l’or en la passant à 36% (contre 30% avec la flat tax).

 

Faut-il selon vous encore investir dans l’or en 2019 ?

Certes, l’or d’investissement reste une bonne option pour préserver son épargne dès lors que l’on se dit que l’on n’a pas besoin de cet argent dans les 20 ou 30 années à venir. En fin de compte, il s’agit d’une autre façon de préserver son épargne et c’est un moyen de conserver un maximum de cash sur un seul et même support d’investissement.

 

Il convient cependant de noter qu’il y a malgré tout un double effet avec l’or. D’une part, parce qu’il se révèle sensible à l’inflation. D’autre part, parce qu’il l’est également aux devises. Or, on estime qu’il y a un risque inflationniste à considérer. Il est donc nécessaire de faire attention à ce point. A cela s’ajoute le fait que les niveaux actuellement pratiqués sur l’or sont actuellement plutôt baissiers puisque le dollar s’inscrit, lui, dans une tendance haussière.

 

Au-delà de cela, une étude récemment menée par Refinitiv (un fournisseur mondial de données sur les marchés financiers) démontre que la demande d’or bijoux (or de consommation) a diminué de 6% en 2018 et que la production a, elle aussi, baissé de 4% à l’échelle mondiale. Cela prouve que les modes de consommation ont changé.

 

Il y a clairement d’autres leviers plus pertinents à activer en 2019 pour épargner. Surtout que l’or demeure particulièrement sensible aux effets de la guerre commerciale. Ce que l’on observe, c’est que sur une bonne partie de l’année 2018 (et ce, jusqu’en novembre dernier), le cours de l’or a baissé de 14%. L’or papier (ou métal) avait ensuite repris de sa valeur boursière (XAU) entre novembre et mi-février à hauteur de 12% parce qu’apaisement dans les tensions entre Pékin et Washington il y avait.

 

Sauf qu’elles ont, depuis, repris de plus belle et l’or a donc reperdu 4% de sa valeur. Il y a donc quantité de facteurs externes à l’or qui ne sont pas rattachés à sa valeur de marché. Donc prudence. A noter, cependant, qu’il n’y a jamais eu autant de fusions dans les mines aurifères depuis le début de l’année.